Lassitudes
Une année d’espoirs déçus
Beaucoup d’espoirs en début d’année: création de la Collectivité européenne d’Alsace, adoption de la loi Molac, des élus ou des candidats aux élections locales qui expriment leur préoccupation pour la langue et la culture régionale, des collectivités territoriales qui adoptent des délibérations exprimant leur volonté d’agir pour le bilinguisme, etc. Pas mal de déceptions en cet automne: une Collectivité Européenne d’Alsace dont on attend toujours encore les premières mesures concrètes pour la langue régionale, des décisions du Conseil constitutionnel et du Gouvernement qui aggravent la marginalisation de nos langues régionales, une quasi absence de progrès dans l’ouverture de nouveaux sites bilingues, des projets bloqués par l’indifférence des institutions, des déclarations restées sans suivi… C’est donc un sentiment de lassitude que l’on ressent.
Peu d’avancées et peu de perspectives ?
Peut-on vraiment encore croire que toutes les actions promises depuis 40 ans seront enfin un jour mises en œuvre? Le thème du bilinguisme ressemble à une monnaie dévaluée: plus il est répété, moins il est traduit dans la réalité. Pire, certains s’en réjouissent: la « double culture » qui a caractérisé l’Alsace pendant des siècles n’est pas leur tasse de thé; seule les intéresse la mise en scène d’un particularisme folklorisé, s’intéressant au seul dialecte. Au palmarès des régions européennes disposant d’une identité historique particulière, l’Alsace reste la lanterne rouge. Mais il nous est interdit de nous plaindre sous peine d’être qualifiés d’éternels geignards et de mauvais joueurs. Et de fait, il nous faut nous poser la question si nous avons suivi la bonne stratégie, celle d’un consensus alsacien autour de la sauvegarde d’un patrimoine commun de culture ouverte sur les deux horizons français et allemand. Cet objectif reste le seul valable dans une perspective d’avenir, mais au lieu de vouloir entrainer tout le monde derrière lui, ne fallait-il pas accepter qu’il soit réservé demain à une minorité qui l’aura mérité par ses efforts et sa clairvoyance? Cette minorité trouvera toujours des moyens de mettre en valeur par des stratégies individuelles ou de groupe la richesse de la double culture et du bilinguisme qui ont fait l’Alsace que l’on admire. Nous avons voulu un bilinguisme populaire pour l’Alsace et nous l’espérons encore un peu. Si nos responsables n’en veulent pas, le bilinguisme existera quand même, mais il sera réservé à une minorité éclairée.
Jean-Marie Woehrling