Régionalisme : un gros mot ?
De façon répétée dans les médias régionaux, le terme régionalisme est employé avec une connotation négative.
Sans préciser de quoi l’on parle, on laisse clairement entendre que le régionalisme est quelque chose de suspect et de dangereux. Ainsi à l’occasion d’une interview de Pia Imbs, on lui impute des «soupçons de régionalisme» ; dans Rue 89, on dénonce les critiques de l’«A-coeur» comme étant orchestrées par «les régionalistes», sous-entendu, des personnes non fréquentables. Dans l’Ami Hebdo, un responsable de la Chambre de commerce prend ses distances des «régionalistes» d’une «Alsace qui s’enferme».
On a certes le droit de ne pas être régionaliste, de préférer le centralisme et l’uniformité, ou de ne pas voir d’intérêt dans la dimension régionale. Mais délégitimer par principe l’option régionale et ceux qui se prononcent en sa faveur, semble être en Alsace une spécialité d’une intelligentsia soucieuse de «démoniser» l’évolution vers une démocratie régionale véritable.
Que signifie « être régionaliste » ?
Car être «régionaliste», ce n’est rien d’autre que d’affirmer la légitimité et la valeur du niveau régional dans une construction à plusieurs étages, depuis la commune jusqu’à l’Europe, un niveau important pour le sentiment d’appartenance, l’action culturelle, le développement économique et le jeu démocratique.
Cela semble largement admis. Alors pourquoi chez nous cette animosité à l’égard du terme régionaliste ? C’est qu’il y a deux contenus pour le terme «région» : l’Alsace et le Grand-Est. Pour les défenseurs de la région «Grand-Est», personne n’aurait l’idée d’utiliser le terme «régionaliste». Ce sont donc les tenants d’une région Alsace que l’on traite de «régionalistes» avec une connotation négative.
On dénote ainsi l’ambiguïté d’un débat qui ne vise pas tant à choisir entre deux conceptions de la région, celle incarnée par le Grand Est et celle incarnée par l’Alsace, mais une fois de plus, de s’en prendre à ceux qui veulent redonner un contenu fort à l’Alsace, quel que soit par ailleurs le débat institutionnel.
Au fond, les contempteurs du terme régionaliste le reconnaissent implicitement : ceux qui promeuvent l’Alsace sont des «régionalistes» car l’Alsace a fondamentalement la personnalité d’une vraie région. C’est même la force de l’idée régionale en Alsace qui rend celle-ci «dangereuse» aux yeux de certains. Mais c’est aussi cette force qui lui donne toute sa légitimité.